Logements sociaux

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    « Les logements sociaux vont être préemptés pour les réfugiés »

FAUX

Non, 77 000 logements sociaux ne vont pas être préemptés pour les réfugiés. 77 000 logements sociaux vides réquisitionnés pour les réfugiés ? C’est ce qu’on pouvait lire, mardi 15 septembre, sur de nombreux sites. Un chiffre aussitôt mis en parallèle de celui des 150 000 sans domicile fixe et trois millions de mal logés que compte notre pays, notamment par les élus Front national. Il faut dire que ce chiffre et la proposition ont été assez mal expliqués, et donc mal compris.

Qui a fait cette proposition ? La déclaration provient de Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), députée socialiste des Bouches-du-Rhône et ancienne ministre de François Hollande.

Dans une tribune publiée le 12 septembre sur le Plus du Nouvel Observateur, elle évoque la possibilité d’aider les réfugiés en leur trouvant un logement. Voici sa proposition exacte : « Le Haut Comité propose de mobiliser une partie du parc social laissé vacant pour loger les réfugiés. Ces derniers disposant d’un statut clair et ne se posant pas en concurrence avec d’autres publics en grande précarité. 77 310 logements sociaux sont aujourd’hui en attente de locataires, notamment dans les secteurs où la demande est faible. Identifions ces logements, définissons des critères et des conditions d’accueil, procédons à une répartition géographique équilibrée et actionnons l’ensemble des leviers sociaux, économiques et institutionnels susceptibles de contribuer à une intégration harmonieuse de ces populations ». Il s’agit donc d’une proposition, et non d’une action programmée, le HCLPD n’ayant pas de pouvoir autre que consultatif. Elle n’a, pour l’instant, pas reçu de réponse du gouvernement.

D’où sortent les 77 000 logements vides ? Mme Carlotti évoque des logements « aujourd’hui en attente de locataires », mais se base en réalité sur des chiffres datent de l’an dernier, comme le précise Le Figaro : ils viennent du Commissariat général au développement durable, qui publie chaque année un « état du parc locatif social » en France.

Au sein de ce document, on retrouve plusieurs chiffres : le nombre de logements vides car en attente de travaux ou de démolition est ainsi de 70 100. Autre chiffre : 72 800 logements « fonctionnels » (de fonction, donc) qui sont occupés avec ou sans contrepartie financière.

Mais le chiffre qui nous intéresse est ailleurs : la France compte 4,547 millions de logements sociaux en métropole (4,685 millions en comptant l’outremer). Au 1er janvier 2014, 3 % de ces logements restaient vacants (1,7 % depuis plus de trois mois). Ces logements vacants se situent sur tout le territoire, mais particulièrement dans certains régions peu urbanisées : Basse-Normandie (4,4 % de vacance), Bourgogne (6,7 %), Limousin (7,6 %)…

En moyenne nationale, le taux de vacance à trois mois et plus est de 1,6 %. Soit précisément 77 299 logements vides en métropole.

Pourquoi ces vacances ? Si celles de moins de trois mois correspondent le plus souvent à un battement entre deux locataires, les vacances « structurelles » (plus de trois mois) peuvent indiquer que ces logements ne trouvent pas preneur. Enfin, nombre de ces logements sont vides car en attente de travaux ou de la démolition du bâtiment qui les abrite.

Mais pourquoi ne sont-ils pas occupés ? On parle donc ici de logements qui ne sont pas occupés. Pour partie car ils sont en travaux, ou en attente de démolition, mais aussi car personne ne les réclame. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène :

L’offre est diffuse sur le territoire. La loi oblige chaque commune à avoir 20 % de logements sociaux sur son territoire, sauf à payer une amende. Toutes les communes d’une certaine taille ont donc leur parc social. Mais la demande, elle, tend à se concentrer sur les zones plus urbanisées. En clair, l’offre ne suffit pas à satisfaire la demande en Ile-de-France, où le logement est très cher, mais le Limousin, où les loyers sont structurellement moins élevés, connaît bien moins le problème. En outre, des départements confrontés à une baisse démographique ont moins de besoins en logements sociaux qu’il y a une trentaine d’années.

La carte ci-dessous montre ce « taux de vacance » par départements. On le voit, si l’Ile-de-France n’est que peu concernée, les départements du Massif central le sont beaucoup plus.

Logement social ne veut pas dire logement gratuit. Lorsqu’on parle du parc immobilier « social », on a tendance à imaginer qu’il s’agit d’appartements appartenant à l’Etat, qu’il peut attribuer à sa guise. Or c’est un peu plus complexe : Le système du logement social est multiple et décentralisé, et les bailleurs sociaux qui construisent des logements sociaux, s’ils y sont aidés, doivent rentrer dans leurs frais.

Ils proposent donc différentes prestations à différents prix : des PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) pour les plus en difficulté au PLS (prêt locatif social) pour les classes moyennes. Un locataire éligible au PLAI ne pourra pas réunir les ressources nécessaires pour financer le loyer d’un appartement en PLS prévu pour des personnes plus aisées financièrement.

Un chiffre plus frappant que réaliste. Mme Carlotti a sans doute voulu marquer les esprits avec ce chiffre, sans mesurer l’impact qu’il pouvait avoir alors que la France souffre d’une pénurie chronique de logements, et que plus de trois millions de personnes vivent dans la rue ou dans des logements insalubres.

Néanmoins, l’idée est peu réaliste : elle repose sur une estimation vieille de plus d’un an. S’il serait théoriquement possible d’organiser une répartition des réfugiés pour les installer dans ces logements vacants, la chose soulève une foule de questions, à commencer par celle du paiement des loyers, qui devrait être pris en charge par l’Etat.

Autre difficulté de taille, comment répartir la charge sur l’ensemble des bailleurs sociaux du territoire de façon juste ? Bref, la proposition de Mme Carlotti risque de ne pas trouver beaucoup d’écho.

Le gouvernement a cependant indiqué qu’il aiderait les bailleurs sociaux volontaires pour accueillir des migrants. La France s’est engagée à accueillir 24 000 réfugiés.

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