Cet article a été écrit par PI.M. et publié le jeudi 19 mars 2015 sur le site de l’AFP
En photo d’entête, un charnier contenant des corps de Yézidis découvert par des kurdes le 3 février 2015 (SAFIN AHMED / AFP)
Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a publié ce jeudi un rapport dans lequel il sonne l’alarme, une nouvelle fois, sur la situation des Yézidis, victimes de meurtres de masse. Cette minorité kurde en Irak est menacée de génocide par les combattants de l’Etat islamique
« Le groupe dit de « l’État islamique d’Iraq et du Levant » (EI) pourrait avoir commis les trois crimes internationaux les plus graves, c’est-à-dire des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide » annonce le Conseil pour les droits de l’homme de l’Onu dans son rapport. En outre, le haut-commissariat documente des abus généralisés commis par l’EI, dont des meurtres, tortures, viols, esclavage sexuel, conversions forcées et enrôlement des enfants.
Mais ce dont sont victimes les Yézidis prend une autre ampleur ; les dizaines de témoignages et faits documentés par l’Onu montrerait « l’intention de l’EI de détruire les Yézidis en tant que groupe ». L’ONU avait déjà sonné l’alarme en octobre dernier concernant « une tentative de génocide » des Yézidis par l’EI, ce rapport tend à le confirmer.
L’Organisation des nations unies (ONU) en 1948 définit le génocide comme « des actes commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Des charniers par dizaines
Dans de nombreux villages yézidis, la population a été regroupée. Les hommes et garçons de plus de 14 ans ont été séparés des femmes et des filles. Les hommes ont été emmenés plus loin et abattus par l’EI, tandis que les jeunes filles et les femmes non mariées étaient enlevées comme « butin de guerre », violées, vendues comme esclaves sexuels. Le rapport documente des cas de viols de fillettes à partir de 6 ans. Les plus jeunes garçons (entre 8 et 15 ans) sont emmenés, convertis de force et entrainés comme enfants-soldats.
Des villages ont été intégralement vidés de leur population. Des meurtres de masse, de plusieurs centaines d’hommes et jeunes garçons yézidis ont été documentés dans la plaine de Ninive. Autre sinistre exemple, en juin dernier, 600 hommes détenus dans la prison de Badouch ont été amené au bord d’un ravin où ils ont été abattus. Dans la ville de Sinjar, 700 hommes yézidis ont été tués dans le 10 aout, 30 000 personnes ont du fuir dans les montagnes, sans eau et sous un soleil de plomb de 50°.
Le rapport concède qu’il ne peut dresser de bilan précis du nombre de victimes mais les nombreux témoignages recueillis suffisent selon le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme pour s’inquiéter d’une logique génocidaire à l’encontre des yésidis. Le rapport rapporte également des crimes contre l’humanité (déportation, torture, viols, meurtres…) à l’encontre des chiites et des chrétiens, et des crimes de guerre.
Pourquoi les Yézidis ?
Les Yézidis sont une minorité kurdophone d’Iraq, qui comptait au moins 500.000 personnes avant le début du conflit. La raison mise en avant pour leur massacre par l’EI est religieuse. Le yésidisme est en effet un monothéisme inspiré d’ancestrales croyances kurdes (leur calendrier religieux compte déjà 6 765 années), nourri au fil des années d’influences chrétiennes et musulmanes.
L’EI ne considère pas le yésidisme comme une religion du livre, ce qui en fait des cibles encore plus prioritaires que les chrétiens, dans leur logique de régénération voire d’épuration de l’Islam. Pire, le culte du feu entretenu par les Yézidis les fait passer aux yeux des djihadistes comme des adorateurs du diable.
Ainsi la publication de l’EI Dabiq expliquait en octobre dernier qu’au nom d’une certaine interprétation de l’islam, la mise en esclavage des femmes Yézidies est justifiée, après l’exécution de leur époux, si elles en ont un. Tandis que les chrétiennes et juives peuvent y réchapper à condition qu’elles payent un impôt.
Au moins 100 000 Yézidis auraient réussi à s’enfuir du territoire contrôlé par EI, sauvés, principalement, par les kurdes de Syrie.