La petite Yézidie aux yeux bleus : « Je me demande ce qu’elle va devenir »

Une tignasse blonde et des yeux limpides qui vous regardent en face : on n'oublie pas facilement le portrait de cette jeune Yézidie photographiée en août dans le village de Fishkabur, à la frontière irako-syrienne, alors que son peuple fuyait les exactions de l'État islamique...

Cyril BonnetCet article a été écrit par Cyril Bonnet, Journaliste au Nouvel Observateur

Une tignasse blonde et des yeux limpides qui vous regardent en face : on n’oublie pas facilement le portrait de cette jeune Yézidie photographiée en août dans le village de Fishkabur, à la frontière irako-syrienne, alors que son peuple fuyait les exactions de l’État islamique.

Youssef Boudlal, l’auteur du cliché, raconte s</>ur le blog The Wider Image de l’agence Reuters l’histoire de cette image qui a fait le tour du monde. « Je me souviens bien de la scène. C’était le jour de mon arrivée à Fishkhabour. Choqués, le visage brûlé par le soleil, des hommes, des femmes et des enfants aux vêtements maculés de saletés bravaient une température de 45 degrés, attendant patiemment l’aide des Kurdes locaux. »

« Mon attention s’est d’abord portée sur un groupe de femmes assises par terre », continue le photojournaliste marocain. « Puis j’ai remarqué la petite fille. J’ai pris une photo d’elle, elle m’a vu, m’a offert un sourire. Je l’ai photographiée à nouveau, cette fois-ci avec sa mère. »

 

J’étais fasciné par sa beauté sauvage dans cette situation dramatique. Il y a de l’intensité, de la détresse et de la tristesse dans son regard.

 Je sais qu’elle a six ans, parce que je me suis renseigné auprès de sa mère, mais je n’ai hélas pas demandé son nom. La famille arrivait de la ville irakienne de Sinjar, fuyant les hommes de l’État islamique. »

« C’était non seulement triste de voir cette enfant, mais aussi de voir les centaines d’autres personnes qui étaient sales, épuisées et assises au milieu des ordures sous cette chaleur », confie Youssef Boudlal. « Je me demande ce que ressentent ces gens, qui ont parcouru des kilomètres dans les montagnes en emportant seulement quelques affaires. »

« J’aimerais beaucoup revoir la petite fille blonde », conclut le photographe. « Je me demande ce qu’il va advenir d’elle. Et de tous les autres. »

Autour de cette image : le calvaire des Yézidis

« Génocide. » C’est le terme employé en octobre par Ivan Simonovic, secrétaire général adjoint de l’ONU, pour décrire ce qu’encourent les Yézidis face à un État islamique qui extermine ceux qui ne se convertissent pas.

Des Yézidis fuient leur bastion de Sinjar, en Irak, au mois d’août (R.Said/Reuters)

La source de la foi des Yézidis remonte jusqu’au mazdéisme, une religion de la Perse antique, ce qui leur vaut aujourd’hui d’être considérés par les djihadistes comme des adorateurs du diable.

Pour cela, en plus de massacrer les hommes yézidis, Daesh réduit en esclavage les femmes et les enfants qui tombent entre leurs mains. « Des centaines de femmes et de jeunes filles yézidies voient leur vie brisée par les horreurs de la violence sexuelle et de l’esclavage aux mains de l’EI », dénonce Amnesty International dans un rapport publié le 23 décembre.

Beaucoup d’esclaves sexuelles sont mineures – des filles âgées de 14, 15 ans ou même plus jeunes. Les combattants de l’EI utilisent le viol comme une arme lors d’attaques qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », condamne l’ONG.