Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale

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Vincent GIRAUDIER, Hervé MAURAN, Jean SAUVAGEON, Robert SERRE :

Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale , 480 pages, éd. Peuple Libre et Notre Temps, 1999. Préface de Denis Peschanski, chargé de recherche au CNRS (Institut d’histoire du temps présent),

Après la publication de plusieurs articles présentant leurs travaux, les auteurs livrent le fruit de plusieurs années de recherches sur ces camps bien oubliés par la mémoire collective. Les témoignages, devenus rares, ont été complétés par les archives des communes, des départements, de Grenoble, Marseille, Paris, dont l’accès leur a été ouvert par dérogation ministérielle, et les archives allemandes de Bonn et Berlin.

Dans la France devenue « terre de camps », l’échantillon géographique que constituent la Drôme et l’Ardèche rassemble la quasi-totalité des types de camps et de personnes internées au cours de cette période, non par décision de justice, mais sur une simple mesure administrative qu’aucun délit ne justifie. Ce travail présente donc un intérêt qui dépasse largement le cadre de nos deux départements. L’étude réalisée est particulièrement fouillée et l’essentiel est inédit.

Il en est ainsi par exemple des dizaines de déportés vers Auschwitz (Birkenau), Maïdanek, Mauthausen… prélevés dans ces camps ou Groupements de Travailleurs Étrangers (GTE) : la plupart étaient ignorés et ne figurent ni dans les listes données par les ouvrages publiés à ce jour ni sur les plaques apposées dans les lieux de mémoire. Peu de choses étaient connues, et souvent de manière très superficielle, sur les conditions d’internement de tous ces gens dans des locaux de fortune. Le temps passant, il était urgent d’en éclaircir l’image et de la fixer.

Les internés sont des civils français ou étrangers (14 nationalités dans le GTE de Crest, au moins 16 dans ceux de l’Ardèche), considérés comme « suspects », « douteux » ou « indésirables » à cause de leur ethnie, de leur religion ou de leur appartenance politique ou idéologique supposée :

  • Espagnols ayant fui le régime franquiste ;
  • ressortissants des pays ennemis comme le peintre Max Ernst qui passe à Loriol et Largentière ;
  • militants antinazis originaires du Reich, souvent déjà en lutte dans les Brigades internationales et dont certains, parmi les survivants, poursuivront leur combat après s’être évadés ;
  • vieillards, infirmes ou malades transférés des grands camps et amenés dans les centres-hôpitaux de Saint-Agrève et Alboussière ;
  • communistes, syndicalistes et pacifistes français internés à Loriol ou Privas (Chabanet) ;
  • Arméniens raflés au sein des importantes colonies de la région et intégrés dans l’organisation Todt qui les emploiera à construire le mur de l’Atlantique ;
  • travailleurs étrangers emprisonnés à Largentière, Vinezac, Le Cheylard, Saint-Jean-Chambre, Chomérac, Montélimar ou regroupés dans les GTE de Saint-Vincent-de-Charpey et Crest, dans la Drôme, et divers lieux de l’Ardèche pour fournir à bon marché une main-d’œuvre de substitution ;
  • personnalités politiques considérées comme responsables de la défaite et embastillées à Vals-les-Bains ;
  • Juifs raflés constituant à Crest, Alboussière … des réservoirs toujours prêts pour le départ, via Drancy, vers les camps d’extermination.

Certains de ces internés, après une évasion, entreront dans la Résistance et y joueront souvent un rôle considérable par leur expérience du combat et la force de leurs convictions. Plusieurs iront jusqu’au bout de cet engagement et le paieront de leur vie.

L’ouvrage fait apparaître la continuité entre la troisième République finissante et le régime de Vichy récupérant au profit de son idéologie la réglementation et les structures mises en place ou renforcées par ses prédécesseurs. On y découvre la complexité de la législation en matière d’internement et son aggravation progressive, la grande diversité des méthodes et des établissements d’enfermement dans ces deux départements apparemment sans histoire, éloignés des frontières et peu marqués par une population étrangère ou juive.

L’ouvrage contient une abondante et riche iconographie, plans et cartes indispensables, graphiques, nombreux documents et photos d’époque retrouvés chez des particuliers, … Y figurent les références complètes des sources utilisées et des index des noms de personnes et de lieux cités.

Dans ce livre, qui bénéficie d’une préface de Denis Peschanski, l’un des plus grands spécialistes de ces questions, Robert SERRE étudie particulièrement l’accueil et l’hébergement des réfugiés espagnols dans le Diois et la vallée de la Drôme en 1939, et le 352eme Groupe de Travailleurs Étrangers de Crest.

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